CARTOGRAPHIE DE L’INDUSTRIE HAÏTIENNE DE LA MUSIQUE

L’association haïtienne des professionnels de la musique a gagné en 2016 l’appel à proposition du Fonds International pour la Diversité Culturelle de l’UNESCO grâce auquel elle a pu, avec le soutien d’autres partenaires financiers et opérationnels, lancer le projet de cartographie de l’industrie haïtienne de la musique. Ce projet comprend une enquête de terrain auprès de 1520 professionnels de la musique, des focus groups et des interviews, qui offrent une base d’informations représentatives de l’industrie musicale haïtienne, à partir de laquelle des considérations peuvent être élaborées sur le secteur. Il inclut également une table ronde visant à établir un consensus sur les recommandations à porter par les acteurs concernés.

L’industrie haïtienne de la musique évolue dans un contexte politique instable, où musique et politique sont de plus en plus imbriquées, même si le budget accordé aux activités du Ministère de la Culture limite grandement ses possibilités d’action structurelle.

De son côté, le contexte économique est en dégradation continue avec un PIB stagnant, une balance commerciale largement négative et une inflation forte depuis plus de vingt ans, qui diminue le pouvoir d’achat des Haïtiens à mesure que la monnaie se déprécie. La pauvreté touche plus de la moitié de la population, constituant un obstacle majeur à la construction d’une économie de loisirs. L’accès aux NTIC reste limité au regard des autres pays de la région.

En dépit de ces circonstances, depuis plus d’un demi-siècle, Haïti fait preuve de vigueur et de créativité dans presque tous les domaines artistiques et culturels. Le pays présente une variété importante de genres musicaux. Même si le konpa reste la musique la mieux organisée sur le plan commercial, la tendance générale de la dernière décennie est plutôt à la diversification de la scène musicale haïtienne.

De son côté, la chaîne de production, telle qu’elle se laisse voir à travers les réponses des professionnels du secteur enquêtes, est caractérisée par une hypertrophie des métiers de la création comparés aux métiers de la production et de la diffusion, qui transforment la création en biens et services, et qui permettent la mise en vente aux consommateurs.

La fragmentation de la chaîne de production est accentuée par une centralisation territoriale très forte et par la délocalisation d’offres de services dans les territoires de la diaspora.

Les acteurs du secteur sont pour la majorité des individus contractuels indépendants qui travaillent de manière informelle. Ils tirent leurs revenus principalement des représentations live qui se jouent dans les espaces ouverts plutôt que dans le cadre plus conventionnel des bals et des concerts. Toutefois, leurs revenus restent modestes et démontrent la difficulté à faire face aux dépenses générales liées à l’exercice de leurs professions, notamment aux coûts de production des représentations live qui sont la principale activité du secteur. Auto-producteurs de fait, les professionnels sont contraints de financer eux-mêmes leurs activités, en l’absence de structuration administrative et de facilité de crédit bancaire. Le sponsoring est la ressource la plus utilisée même si elle reste limitée, notamment par les conditions économiques générales du pays.

L’absence de système efficace de gestion des droits d’auteur constitue également un manque à gagner considérable pour les créateurs.

Toutefois, depuis quelques années, des compagnies étrangères ont décidé d’investir dans la production d’artistes haïtiens. De son côté, la diaspora offre une plateforme de visibilité et un marché plus rémunérateur, alors que l’exportation des artistes haïtiens et de leurs productions est confrontée à des problèmes, parmi lesquels les difficultés de circulation (visa), le coût des transports internationaux et l’absence de véritable support institutionnel.

En effet, si l’appareil d’Etat dispose d’un nombre assez considérable d’organismes impliqués à divers titres dans le secteur, il ne possède pas de législation adaptée ni de politique spécifique pour son renforcement et son développement.

Parallèlement, plus d’une douzaine d’institutions nationales et internationales interviennent dans le secteur, avec des missions spécifiques, qui ne sont pas coordonnées.

En conclusion, l’industrie haïtienne de la musique présente plusieurs atouts, parmi lesquels un héritage culturel vigoureux et original, un public extrêmement réceptif à la musique et la grande combativité de ses acteurs pour pallier le manque de soutien et d’infrastructures. Toutefois, les faiblesses inhérentes au secteur, notamment le manque de formation professionnelle ainsi que le manque d’encadrement et d’infrastructures adaptées limitent grandement son développement économique et social. Les conditions économiques chaque fois plus difficiles, l’instabilité de l’Etat et sa faiblesse constituent des obstacles majeurs qui pourraient être contrebalancés par une stratégie misant sur la jeunesse de la population et l’existence d’une diaspora active au niveau international. Les recommandations finales, élaborées lors de la table ronde de concertation du 25 mai 2017, portent donc à la fois sur la reconnaissance légale des professionnels et la réglementation encadrant leurs activités, le soutien à la création, à la production et à la diffusion des oeuvres en Haïti et à l’étranger, ainsi que sur la gestion efficace des droits d’auteur. Elles s’adressent à l’Etat ainsi qu’aux acteurs du secteur dont la mobilisation est fondamentale pour le développement de l’industrie haïtienne de la musique.

Le projet de cartographie de l’industrie haïtienne la musique a reçu l’appui de l’UNESCO à travers le Fonds International pour la Diversité Culturelle ainsi que le soutien financier d’autres partenaires tels que l’Ambassade de Suisse en Haïti, l’Organisation International de la Francophonie, la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL) et la Fondation Lucienne Deschamps. Il a bénéficié du soutien opérationnel du Ministère de la Culture et de la Communication, du Ministère du Tourisme et des Industries créatives, du Centre de Facilitation des Investissements, de l’Institut Français et du Réseau des Alliances Françaises en Haïti, du Nouvelliste et de Radio Télé Métropole.

Consulter la cartographie de l’industrie haïtienne de la musique en cliquant sur l’image :